Il se moque des injonctions du ministre Le Foll.
Qui reste le terrible Jean-Paul Bigard, proprietaire d’une vingtaine d’abattoirs ainsi que Charal ? Portrait d’un patron parmi nos plus discrets.
C’est un quidam qui possi?de toujours considere qu’il pouvait agir d’apri?s son seul interet. Je vais lui rappeler qu’on devra negocier collectivement.” Fin octobre, Stephane Notre Foll, le ministre de l’Agriculture, admettait a demi-mot qu’il est impuissant face a Jean-Paul Bigard. Proprietaire d’une vingtaine d’abattoirs, ce P-DG de 67 ans venait de boycotter une reunion de crise en filiere bovine. L’industriel a prefere rediger au ministre pour lui reclamer une rencontre en tronche a tronche. “Avec lui, c’est juste di?s qu’il veut et tel il veut, on a l’habitude”, commente, laconique, un bas fonctionnaire.
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Jean-Paul Bigard ©Nelaton Marie-France
Qui reste donc votre terrible M. Bigard capable de balader votre ministre ? On aurait aime lui poser le sujet mais, a l’image de ce milieu tres secret, il fuit les medias. Mal de photos, pas de conference comptables, aucune porte-parole. Un physique passe-partout de 1,75 metre et un ton taiseux. Jamais d’humeur a rire, contrairement a un celebre homonyme. Sa seule apparition publique de l’annee ? L’AG du Syndicat national de l’industrie des viandes (Sniv), que celui-ci preside chaque automne. Discret, mais tres costaud, ce Bigard-la : son groupe abat 40% des bovins francais (30.000 tetes de betail par semaine) et aussi 20% des porcs. Avec 14.000 salaries, un chiffre d’affaires de 4,3 milliards d’euros et des benefices de 30 millions d’euros selon les derniers comptes publies, en 2013, son entreprise est l’une des rares a bien bien se mettre dans la branche. Manque un mince exploit. La baisse de la consommation de viande de boucherie (- 15% depuis 2000) et la concurrence des abattoirs allemands, qui utilisent d’une main d’?uvre detachee a 7 euros l’heure, tirent les prix vers le bas.
En video : des elevages encore et puis high-tech
L’origine de l’empire se situe a Quimperle (Finistere), ou le groupe emploie toujours 1.200 salaries. C’est la que Lucien Bigard, le pere de Jean-Paul, negociant en viande, a repris l’abattoir municipal moribond en 1969. “Un sacre bosseur, via le pont avant 6 heures du matin”, se souvient, admiratif, Marcel Tusseau, maire en annees 1990. Bigard pere etait 1 patron autoritaire capable de batailler des mois Afin de imposer des pauses pipi a heure fixe ! Le fils a fera ses classes a ses cotes, developpant Les aliments transformes qui font gonfler les flirtwith pc marges (steaks haches, saucisses. ) avant de prendre les commandes en 1997.
Boulimique, il a change de dimension en rachetant ses concurrents du Sud-Ouest, Codevia et Sodavy, en 2002. Puis Charal, une marque tres connue, en 2007. Deux annees plus tard, j’ai ete au tour de Socopa, une grosse cooperative avec une vingtaine de blogs, de perdre sous sa coupe. “Jean-Paul Bigard a eu la gentillesse de laisser le siege a Quimperle, mais il vit a Paris et on ne le voit jamais”, explique un conseiller municipal. Bercy Village a Paris (siege du Sniv), le marche de Rungis, ou il se rend a toutes les aurores pour la “cotation des aliments carnes”, ainsi, parfois les abattoirs, “dont il fait regulierement la tournee”, selon l’ex-maire de Quimperle Alain Pennec : le patron va et vient. Et a voir ses bureaux de Rungis au crepi defraichi, rien ne laisse presumer une fortune que nous evaluions en mai a 620 millions d’euros (il detient avec sa famille 67% du capital).
Conscient que sa carrure impressionne, le premier boucher de France n’hesite pas a montrer ses muscles. Surtout a toutes les hommes politiques de l’Ouest, ou sont implantes la majorite de l’ensemble de ses etablissements. En 2010, Bruno Notre Maire (elu de l’Eure, un abattoir), ministre de l’Agriculture de Francois Fillon (Sarthe, deux abattoirs), avait tente en vain, comme Stephane Notre Foll (Sarthe), de le faire asseoir a une table de negociations pour venir en aide aux eleveurs. Le patron sait votre que celui-ci pese en emplois, en particulier en Bretagne (sept abattoirs). Jean-Yves Notre Drian, tete de liste PS pour nos regionales, le tiendrait ainsi, sagement, “en haute estime”. Meme le delegue CGT pese ses mots. “Cela fait la chasse a toutes les soi-disant absenteistes, accuse Michel Notre Goff, qui defend regulierement des collegues aux prud’hommes. Mais je reconnais que, cote salaire, mutuelle ou formation, nous ne sommes nullement nos plus en gali?re lotis.” Chez Bigard, le Smic est bonifie de 10 a 15% et la prime de resultat atteint votre mois complet les bonnes annees.
Le groupe Bigard abat 40% des bovins francais, en particulier dans son etablissement Socopa de Cherre (Sarthe). Mes hommes portent une cotte de mailles pour se proteger.
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Ceux qui se plaignent le plus de Jean-Paul Bigard sont les eleveurs, qui l’accusent de les etrangler. Dernier exemple en date, le numero 1 de la viande ne respecte nullement les revalorisations sur le prix du b?uf decidees en juin par chacune de la filiere, alors que ses tarifs d’achat (3,65 euros le kilo debut novembre) seront fort inferieurs au tarifs de revient (4,50 euros). “C’est un homme qui ne connait que les rapports de force, peste Jean-Pierre Fleury, president d’une Federation nationale bovine (FNB). Des milliers d’entre nous sont au bord d’la ruine et y ne souhaite jamais en tenir compte. C’est du mepris !”
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Plusieurs eleveurs vont souvent manifester devant ses abattoirs, mais ils ne sont gui?re si nombreux que ca. “Complique d’entrer en conflit avec le seul client !”, admet l’un d’eux, mefiant. Au cas ou il y aurait 1 delateur ou une camera de surveillance. Le climat n’est nullement non plus au excellent fixe au milieu des producteurs de porcs. En accord avec son principal concurrent, Cooperl, Bigard a decide debut aout de ne plus tenir compte des cotations du marche au cadran de Plerin (Cotes- d’Armor) pour imposer ses propres tarifs. “Il fait deja la loi dans le bovin, il souhaite Realiser la aussi chose au boeuf. J’ai denonce cette situation. Et, comme par hasard, je me suis fait virer !”, raconte Daniel Picard, responsable d’une place de Plerin. Francois Pot, le successeur, lui, “refuse de parler de M. Bigard”.
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Manifestation de producteurs de porcs devant le siege de Bigard a Quimperle en juillet dernier. © Telegramme
Plus etonnant, il a aussi le rapport de force avec la grande distribution. Ses marques Charal, Socopa et Bigard dominent le rayon boucherie et, sur un creneau tel le steak hache, il n’est gui?re loin de tenir 70% des approvisionnements, MDD comprises. “Beyrouth est totale. Quand il faudrait cesser de envoyer 1 client parce que je n’ai pas le prix, je n’hesite pas”, racontait l’inflexible patron, debut 2012, devant nos membres une cooperative bretonne Triskalia. Ignorant qu’un journaliste du “Telegramme de Brest” s’etait glisse dans la salle.
C’est surtout avec Michel-Edouard Leclerc et Thierry Cotillard, le directeur d’Intermarche, que les rapports paraissent tendus. Ces deux-la disposent Effectivement de leurs propres abattoirs, Kermene pour Leclerc et Jean Roze Afin de Les Mousquetaires. Cette diversification leur permet a la fois d’echapper a l’emprise de Bigard et aussi, a l’occasion, de proposer de meilleurs prix aux eleveurs. Une situation qui l’exaspere litteralement. Avec Intermarche, le passif semble s’i?tre bien alourdi, en septembre 2014, quand l’enseigne a repris les abattoirs Gad, que lorgnait egalement le groupe de Quimperle. L’ambiance est devenue glaciale avec Dominique Langlois, directeur de Jean Roze et president de l’interprofession Betail et Viande.
Lucien Bigard avait decroche a 74 annees, par probleme de sante. Jean-Paul passera-t-il mon tour avant ? Ardu a predire. Ses gamin ont certes pris un peu de galon : l’aine, Mathieu, est directeur du developpement des aliments Bigard et Maxence a integre le service export. Mais ils n’ont toujours pas le cuir assez epais Afin de devenir rois d’la bidoche.